Si tout va bien, dans 19 jours, ce sera le début du déconfinement. Déconfinement qui, on le sent bien, va être besogneux et long…
Quel rapport, me direz-vous, avec le thème que je vous avais annoncé : « Grandeur et décadence des syndicats » ? On va y venir, mais d’abord je crois indispensable de poser une ou deux choses.
La première c’est que, d’après l’Institut Pasteur, le confinement a permis d’éviter 84% des effets de l’épidémie. Ça veut dire, en clair, qu’on n’en a pris que 16% dans les dents, soit environ 1/7ème… On peut en déduire logiquement que, dans les mêmes conditions mais sans confinement, on serait rendus à 140 000 morts et non 20 000. Et encore, ce chiffre vertigineux de 140 000 décès est certainement très inférieur à ce qu’il aurait été si nous ne nous étions pas confinés, tout simplement parce que les services de réanimation n’auraient pu accueillir qu’un malade sévère sur quatre ou cinq. Donc plus probablement 200 à 250 000 décès.
Pour autant, le virus n’a pas disparu, on continue à comptabiliser chaque jour autour de cinq cents morts.
Le même vénérable Institut semble pouvoir dire que moins de 10% de la population a été en contact avec le virus, et place le seuil d’immunité collective à 70%. On trouve encore le même rapport de sept fois, ce qui paraît à peu près logique.
Bon, si on avait laissé passer l’épidémie façon Bolsonaro, on aurait certainement atteint l’immunité collective en trois ou quatre mois.
et on sait à peu près combien on déplorerait de disparus (peut-être, d’ailleurs, que je ne serais pas en train d’écrire cette chronique).
Seulement voilà, le confinement ne tue pas le virus, il permet seulement d’aplatir la courbe, mais la surface sous la courbe (l’intégrale, pour les matheux) reste à peu près la même :
Ce qui veut dire que, faute de trouver rapidement un traitement pour soigner les personnes atteintes, ou un vaccin, l’horizon est chargé des mêmes significations. La différence sera qu’on arrivera au même résultat mais en sept fois plus de temps. heureusement les scientifiques semblent confiants dans la perspective de mettre bientôt en place un ou plusieurs traitements efficaces.
Mais alors, pourrait-on penser, pourquoi se déconfiner ?
La réponse la plus claire, je l’ai entendue hier de la bouche du philosophe André Comte-Sponville :
-Notre seul choix, disait-il, se trouve entre santé et économie. Imaginons que notre priorité seule et absolue soit la santé des citoyens : tout le monde se confine, l’économie s’arrête, plus personne ne travaille sauf les médecins. Le résultat c’est qu’à très court terme il n’y a plus personne à soigner car tout le monde est mort : plus rien à manger, plus de matériel dans les hôpitaux, plus d’électricité, etc. Il est inutile de seulement envisager l’hypothèse inverse, totalement insoutenable pour tout gouvernement qui se respecte (sauf, peut-être, Bolsonaro et Trump dont on peut affirmer que le cynisme de court terme qu’ils affichent va peut-être les disqualifier dans les urnes mais renforcera à terme la position économique du pays qu’ils dirigent). Alors la vérité est quelque part entre les deux : quoi qu’il en soit, il faut absolument se déconfiner et retourner bosser. Il importe que nos gouvernants ne se drapent pas dans une fausse position exclusivement sanitaire et affirment haut et fort l’importance de l’économie, parce que c’est ça qui nous fera manger demain.
C’est un peu rude à entendre mais c’est, si on ne se voile pas la face, frappé au coin du bon sens. Il faut remettre l’économie en route, et vite, tout en restant prudents pour garder une courbe assez plate pendant que nos chercheurs cherchent, et jusqu’à ce qu’ils trouvent.
Et c’est là que les syndicats vont devoir faire la preuve de leur grandeur ou de leur décadence :
Ils seront grands s’ils aident et contribuent à cette remise en marche sans lanterner, sans se réfugier derrière des idéologies ni des positions de principe à la Krazucki. S’ils acceptent de retourner au travail sans avoir cent pour cent de certitude qu’ils seront protégés, s’ils acceptent le fait que la sécurité absolue ça n’existe pas, alors ils seront grands.
Si, par contre, ils mettent des bâtons dans les roues des wagons de la SNCF, s’ils enrayent la distribution du courrier, si leur crainte de la contagion par les enfants les pousse à garder les écoles fermées, alors ils seront déchus, et nous avec…
Allez, pour terminer sur une note plus légère : vous savez ce qu’est qu’un pessimiste ?
Réponse : c’est un déconfit né.