Avec tous les gens qu’on a croisés pendant nos deux jours de voyage de retour, avec toutes les heures de vol à partager le même air conditionné avec plusieurs centaines de quidams qu’on imagine douteux, avec tout ce temps passé dans les duty free shops à rabrouer les vendeurs, est-ce qu’on n’aurait pas attrapé cette cochonnerie ? C’est avec cette interrogation que je me réveille ce matin.
Sur le « Alexa, bonjour ! » qu’Annie lui lance, la voix de l’I.A. contrôlée par Jeff Bezos depuis l’autre côté de l’océan nous annonce que, globalement, tout va mal mais que dans notre sympathique Provence, il va faire beau. Après deux ou trois cafés sans tartine et sans confiture, je sors dans le jardin (pas la place d’y faire un jogging mais il y a quelques plantes et arbustes qui font un peu partie de la famille) et là, c’est la bonne surprise de la journée : une greffe en écusson (je précise ça pour les spécialistes) qu’on avait faite, il y a deux ans, sur un agrume, et qui, sans mourir, restait verte mais sans plus ; eh bien pour une raison mystérieuse, elle a pris ! Une jolie branchette, un beau petit rameau vert, avec de délicates feuilles naissantes au bout, se dégage de façon très marquée du tronc de l’arbuste. Ça quand même, ça fait plaisir. Alors du coup je bois un autre café avant d’aller, muni de l’attestation idoine, au magasin Picard voir si, des fois, ils n’auraient pas été livrés. Avec Annie on a décidé que, pour minimiser les risques de contaminer des innocents au cas où, nous, on aurait été touchés, on sortirait à tour de rôle. Donc aujourd’hui c’est moi.
C’est vrai que la circulation est moins dense que d’habitude, mais ça ne semble pas si significatif que ça. Par contre, devant le magasin Picard (je leur enverrai ma facture pour la publicité que leur fais ici), pas de file d’attente. J’en suis à al fois surpris et enchanté, mais ça ne dure pas : s’il n’y a pas de queue c’est parce que le magasin est fermé, plus rien à vendre. Un panonceau, toujours manuscrit, promet un réapprovisionnement et une ré-ouverture pour demain 15 heures. Bon, tant pis, on va continuer sans pain…
À midi, c’est pâtes avec de l’huile d’olive. Pour fêter ça, je sors une bouteille de Chardonnay. On déjeune sur la terrasse, au soleil. heureusement il reste du café mais pas beaucoup. L’après-midi je passe une commande sur internet pour refaire mon stock. En même temps, je demande à Jeff Bezos de me livrer des mouchoirs et du PQ. Il me promet, par Alexa interposée, de s’occuper de notre cas au plus tôt, mais c’est tout de suite qu’il débite mon compte.
Les infos, en figure de la bonne citoyenneté, vouent aux gémonies les mauvais français qui se prélassent sur la plage ou déambulent sur la promenade des anglais; comme si on risquait d’y contaminer des brexiters retardataires ! Intelligemment, à son habitude, Christian Estrosi (être aussi con et se prénommer Christian, ça devrait être interdit), promet à qui veut l’entendre d’instaurer un couvre-feu : il est bien connu que, si vous empêchez les gens de sortir la nuit, ils ne vont plus sur la promenade des anglais le jour…
Le soir, sur France Info, un journaliste inspiré débite, sur le ton d’une consternation de circonstance, les mêmes niaiseries que la veille : il y a plein de malades en France, mais regardez donc ce qui se passe en Italie !