Ce mardi débute sous des augures claires et ensoleillées. Pas le soleil auquel on était habitués là-bas à Tahiti, non ; mais quand même un soleil clair et sympa lorsque nous sortons faire quelques courses nécessaires, essentielles même, pour nous qui rentrons de cinq mois ou presque d’une longue villégiature. Dans les rues de Cavaillon, rien ne semble avoir fondamentalement changé ; des voitures et des piétons un peu partout. C’est normal puisque le confinement n’entrera en vigueur qu’à midi. Pour éviter la Grande Distribution dont les media nous disent qu’elle est prise d’assaut par des consommateurs frénétiques et affolés, nous avons choisi de nous réapprovisionner dans un magasin « Picard », en supputant que les surgelés devraient nous permettre de faire face pendant quelques jours, le temps que la « fièvre acheteuse » dont certains souffrent se calme un peu. Devant le magasin, situé à deux ou trois cents mètres de chez nous, une petite queue de clients s’est formée : cinq ou six personnes sont là, constituant une file indienne très distendue, distance de sécurité oblige… Chacun s’applique à rester loin du précédent tout en voulant éviter que le suivant ne lui passe devant, une espèce de danse des canards immobile et silencieuse. Sur la vitrine du magasin, une affichette manuscrite indique « Pas plus de huit personnes dans le magasin. Un sorti = un entré ». Pas de passe-droit pour les couples, aussi, lorsqu’Annie, notre tour venu, entre dans le magasin, j’attends qu’un autre client en sorte pour y pénétrer et la rejoindre. Les congélateurs sont loin d’être pleins, à vrai dire il n’y a plus grand-chose. heureusement pour nous, il semble que le français moyen n’apprécie que peu le poisson. On en prend quelques sachets. Je voulais des baguettes pré-cuites mais il n’y en a plus… Tant pis, on se débrouillera sans pain. Nous sortons et, avant de rentrer à la maison, passons à la pharmacie pour du sérum physiologique ; après des heures passées dans des atmosphères climatisées, Annie souffre un peu des yeux. Là encore, une petite file de clients attend à l’extérieur. En passant devant le « Super U », on a vu une vraie, longue, file d’attente ; tant qu’on pourra éviter d’y aller, on le fera.
L’après-midi on ne bouge pas. Je sors la voiture du garage où elle sommeillait depuis notre départ, et je remets en service le vélo d’appartement en prévision des jours d’isolement qui viennent. À la télé, les infos nous débitent en boucle les mêmes nouvelles alarmistes, l’une contredisant l’autre sans que personne ne paraisse s’en apercevoir. C’est, tout simplement, à qui agonira le plus grand nombre d’énormités dans le temps le plus court. Lamentable…